Herboristerie
Après une animation autour du livre et des bibliothèques à Ouagadougou, c’est auprès de l’AMURT, association qui œuvre dans les domaines sanitaire et éducatif, que nous poursuivons notre mission. Nous nous rendons avec Pierre Charron, son responsable, dans le petit village de Bissiri, commune de Kombissiri à une soixantaine de kilomètres au sud de Ouaga. Aidée par UNISAHEL en 2012 pour l’acquisition d’un véhicule 4x4 Toyota Hilux, l’AMURT, est empêchée de se rendre dans le nord Burkina, zone frontière avec le Mali, en raison des conflits récurrents et de l’afflux des réfugiés.
Mais l’association a pu développer au sein de son Centre agro-écologique de Bissiri, des activités de maraîchage et vient de se lancer dans la production de Moringa. Intégrée aux cultures maraichères d’un réseau de cultivateurs, la production du Moringa est une nouvelle source de revenue dans un milieu rural défavorisé, et contribue à l’effort de reboisement de cette zone aride.
Le Moringa Oleifera est un arbuste dont les feuilles et les graines possèdent des propriétés nutritives (fer, vitamines A et C, calcium, potassium, protéines) comparables à celles de la Spiruline, mais qui a l’avantage d’être beaucoup plus facile à produire. Commercialisé sous forme de poudre, produite à partir des feuilles séchées, le Moringa est un complément alimentaire utilisé notamment pour lutter contre les carences nutritionnelles des jeunes enfants et l’anémie des femmes enceintes et allaitantes, mais aussi pour la santé de tous.
Installé dans une vaste pièce ventilée, nous découvrons l’atelier de production du Moringa : y sont suspendues des claies pour le séchage des feuilles, première étape de leur transformation. Ensuite, les différentes opérations de fabrication du produit, jusqu’à son conditionnement en vue de sa commercialisation.
L’approvisionnement en feuilles se fait auprès d’un réseau de producteurs locaux, le domaine agro-écologique de Bissiri n’étant pas suffisamment important pour assurer une production suivie. Le prix du kilo de feuilles fraîches varie entre 150 et 250 F. CFA, (soit 0,23€ à 0,38€) en fonction des besoins en irrigation de la saison sèche, le coût étant moindre en saison des pluies.
Travail des femmes
Le processus de fabrication pour l’obtention de la poudre est uniquement manuel et passe par les phases d’effeuillage, séchage, broyage, tamisage. Ce travail de transformation des feuilles est effectuée par un groupement de femmes Peulhs du village. Ensuite une partie de la production est directement utilisée pour lutter contre la malnutrition localement. Ce travail constitue aussi un lien social pour ces femmes et leur procure de modestes revenus (100 F. CFA, soit 0,15€ par kilo de feuilles traitées.)
Nous assistons au tamisage du Moringa, opération finale du processus de fabrication avant sa mise en sachets. Tiges, pétioles, nervures sont soigneusement éliminées après plusieurs passages au tamis, jusqu’à l’obtention d’une farine de couleur verte uniforme et parfaitement fluide, facile à mélanger aux boissons et aliments. Puis c’est la mise en sachets (plastique alimentaire) et la pesée de chaque catégorie de sachet (50, 100, 250 et 500 grammes) à l’aide d’un repère sur la balance à aiguille. Pour cette ultime manipulation, nous percevons la difficulté qu’ont ces femmes, puisqu’en l’absence de scolarisation, elles ne savent ni lire ni écrire. Les deux dernières opérations consistent à fermer les sachets par thermo collage et à apposer les étiquettes.
Outre les aspects sanitaires (lutte contre la malnutrition) et sociaux (source de revenus pour les femmes), la culture du Moringa Oleifera s’intègre très bien dans les cultures maraîchères et contribue à la plantation en arbustes des parcelles, ce qui évite l’écoulement trop rapide des eaux à la saison des pluies.
À terme, L’AMURT espère faire homologuer, par les services sanitaires compétents, les propriétés médicinales de son produit. En attendant, il est actuellement vendu dans le réseau des CSPS avec lesquels l’AMURT coopère, le prix de vente étant doublé pour les magasins, pharmacies et ventes extérieures. Un fonctionnement en coopérative réunissant les acteurs locaux de la production, fabrication, jusqu’à la commercialisation des produits est envisagé dans le but de pérenniser cet Entreprenariat Social de Production Rurale Intégrée (ESPRI) et de garantir à chacun, et notamment aux femmes peules que nous avons rencontrées, une source de revenus.
Sollicité pour l’acquisition d’un moulin broyeur électrique, alimenté par des panneaux solaires, ou à défaut par un générateur à essence, UNISAHEL s’est engagé à financer cet outil de travail.
Retour de mission au Burkina, en janvier 2014
Madeleine Avrain et Anne Redaud.
Sur la production de la poudre voir aussi :
Moringa : l'atelier de l'AMURT se modernise.